Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/281

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rites infinis des artistes du nord-ouest, le regard se tournait vers le sud-est avec désir et vénération.

C’est ainsi que l’université, où je ne remplissais ni les vues de mes parents ni même les miennes, devait me fortifier dans l’étude où j’étais destiné à trouver les plus grandes jouissances de ma vie : aussi la mémoire des lieux où j’ai reçu une impulsion si décisive m’est-elle toujours restée infiniment précieuse et chère. Le vieux Pleissenbourg, les salles de l’Académie, mais, avant tout, la demeure d’Œser, ainsi que les collections de Winkler et de Richter, me sont aussi présents que jamais.

Cependant un jeune homme qui, au milieu des conversations de personnes âgées, occupées d’objets qu’elles connaissent, ne reçoit l’instruction qu’en passant, et à qui on laisse le travail le plus difficile, savoir de tout coordonner, doit se trouver dans une situation pénible. Je cherchais donc ardemment, avec d’autres, de nouvelles lumières, et nous devions les trouver chez un homme auquel nous étions déjà bien redevables. L’esprit peut arriver de deux manières à de grandes jouissances, par l’intuition et par l’idée. Mais l’intuition veut un noble objet, qui ne s’offre pas toujours, et une culture proportionnée, à laquelle on peut n’être pas arrivé ; l’idée, au contraire, ne demande que la réceptivité ; l’idée apporte le fonds avec elle, et est elle-même l’instrument de la culture. Aussi fut-il accueilli de nous avec une grande joie, le trait de lumière que le plus admirable penseur fit descendre sur nous à travers les nuages. Il faut être jeune pour se représenter l’effet que le Laocoon de Lessing exerça sur nous, en nous entraînant du domaine d’une étroite intuition dans les libres espaces de la pensée. Le fameux ut pictura poesis, si longtemps mal compris, était mis de côté ; la différence entre l’art plastique et l’art oratoire était manifeste ; les sommets de l’un et de l’autre se montraient séparés, de si près qu’ils se touchassent à leurs bases. L’art plastique devait se renfermer dans les limites du beau, lors même que l’art oratoire, qui ne peut se passer de tout exprimer, était autorisé à franchir ces bornes. L’un travaille pour le sens externe, que le beau peut seul satisfaire, l’autre, pour l’imagination, qui peut s’arranger du laid. Toutes les conséquences de cette magnifique pensée s’offrirent à nous comme un trait de lumière ; toute l’an-