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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/326

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mes vers sur le pâtissier Hendel, avait été cause qu’ils s’étaient répandus dans le public). Ma lettre, datée de Versailles, lui annonçait mon heureuse arrivée dans cette ville, la part que j’avais prise aux fêtes, et autres détails ; mais je lui recommandais en même temps le plus rigoureux silence. Je dois ajouter que, depuis ce mauvais tour, qui nous avait été si désagréable, notre jeune société de Leipzig s’était accoutumée à le mystifier de temps en temps, d’autant plus que ce camarade, l’homme le plus drôle du monde, n’était jamais plus aimable que lorsqu’il avait découvert l’erreur dans laquelle on l’avait induit. Peu de temps après avoir écrit cette lettre, je fis un petit voyage et je fus absent près de quinze jours. Cependant la nouvelle de la catastrophe était arrivée à Francfort. Mon ami me croyait à Paris, et son affection pour moi lui fit craindre que je n’eusse été victime de ce malheur. Il s’informa auprès de mes parents et d’autres personnes, à qui j’avais coutume d’écrire, s’il n’était venu de moi aucune lettre ; et, comme ce voyage m’empêchait d’écrire, personne n’avait rien reçu. Il allait chez les uns et chez les autres, dans une grande inquiétude, et finit par confier le secret à nos plus proches amis, qui furent dès lors aussi alarmés que lui. Heureusement, leur supposition ne parvint pas aux oreilles de mes parents avant qu’une lettre fût arrivée, qui annonçait mon retour à Strasbourg. Mes jeunes amis furent heureux de me savoir vivant, mais ils restèrent convaincus que, dans l’intervalle, j’avais été à Paris. Les lettres amicales qui m’apprirent l’inquiétude qu’ils avaient eue à mon sujet me touchèrent si vivement, que je jurai de renoncer pour jamais à ces plaisanteries ; mais, hélas ! dans la suite, je me suis rendu coupable quelquefois encore de semblables méfaits. La vie réelle est souvent si décolorée, qu’on a besoin du vernis de la fiction pour lui rendre quelque brillant.

Ce grand flot de magnificences royales était donc passé, et ne m’avait laissé d’autre regret que celui des tentures de Raphaël, que j’aurais voulu contempler, vénérer, adorer sans cesse. Heureusement, par mes pressantes sollicitations, je sus intéresser à la chose plusieurs personnes considérables, en sorte que l’on tarda autant qu’il fut possible à enlever et emballer les tentures. Nous revînmes alors à notre paisible et douce vie d’uni-