Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/357

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taisies d’enfance, entre autres la collection de cachets que j’avais faite, principalement avec le secours de notre ami qui recevait tant de lettres. Je les avais classés d’après l’almanach d’État, et, à cette occasion, j’avais appris à connaître tous les potentats, les grandes et les petites puissances, et jusqu’à la noblesse ; et ces signes héraldiques m’étaient revenus très-souvent et très à propos à la mémoire, surtout dans la solennité du couronnement. Je parlais de ces choses avec une certaine satisfaction, mais il ne fut pas de mon avis ; il condamna tout cet amusement : il sut même me le rendre ridicule et m’en inspirer, ou peu s’en faut, le dégoût.

Son esprit contredisant devait me mettre encore à bien d’autres épreuves ; car, soit pour se séparer du prince, soit à cause d’un mal d’yeux, il résolut de séjourner à Strasuourg. Ce mal est des plus gênants et des plus désagréables, et, ce qu’il y a de plus fâcheux, c’est qu’il ne peut être guéri que par une opération douloureuse, extrêmement pénible et peu sûre. Il faut fermer par en bas le sac lacrymal, de sorte que l’humeur qu’il contient ne peut s’écouler par le nez, d’autant que l’ouverture par laquelle devrait se faire naturellement cette sécrétion, manque aussi dans l’os voisin. Le fond du sac doit donc être ouvert et l’os percé, et ensuite un crin de cheval passé par le point lacrymal, puis par le sac ouvert, et par le nouveau canal mis avec lui en communication ; et, chaque jour, ce crin doit être promené deçà et delà pour rétablir la communication entre les deux parties ; et tout cela ne peut s’effectuer qu’après qu’on a fait d’abord dans cette région une incision extérieure.

Herder avait quitté son prince ; il s’était logé à part ; sa résolution était prise de se faire opérer par Lobstein. Ce fut alors que je me trouvai bien des exercices par lesquels j’avais amorti ma sensibilité : je pus assister à l’opération, et rendre divers services à cet homme excellent. J’eus tout lieu d’admirer sa fermeté et sa patience : ni les fréquentes opérations chirurgicales, ni les pansements douloureux, souvent répétés, ne lui arrachèrent la moindre plainte, et il semblait être celui de nous qui souffrait le moins. Mais, dans l’intervalle, nous avions à supporter souvent les variations de son humeur. Je dis nous, car, après moi, un homme d’une humeur agréable, un Russe,