Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/405

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pour aller quérir un objet oublié, chercher une chose perdue, rappeler un couple écarté. Cependant elle n’était jamais hors d’haleine, et restait dans un parfait équilibre : aussi la vive inquiétude de ses parents pour sa poitrine devait-elle sembler exagérée.

Le père, qui nous accompagnait quelquefois dans les champs et les prairies, était souvent mal associé : je me joignais donc à lui, et il ne manquait pas de reprendre son thème favori, m’entretenant avec détail de la reconstruction projetée du presbytère. Il se plaignait surtout de ce que les plans, tracés avec soin, ne lui étaient pas rendus, afin qu’il pût les étudier et réfléchir à telle ou telle réparation. Je lui fis observer qu’il était facile de les remplacer, et j’offris mes services pour faire un tracé, ce qui était, pour le moment, l’essentiel. Il accepta avec plaisir ; le maître d’école m’aiderait à prendre les mesures nécessaires, et le pasteur courut l’avertir aussitôt de tenir pour le lendemain matin la toise prête.

Quand il se fut éloigné, Frédérique me dit : « Vous êtes bien bon d’entretenir le faible de mon père, et de ne pas faire comme les autres, qui, lassés de cette conversation, le fuient ou changent de discours. Je dois vous avouer pourtant que, nous autres, nous ne désirons point de bâtisse. Elle coûterait trop cher à la paroisse et à nous aussi : nouvelle maison, nouveaux meubles. Nos hôtes ne s’en trouveraient pas mieux ; ils sont accoutumés à la vieille maison. Nous pouvons les y traiter largement. Dans la maison neuve nous serions à l’étroit avec plus de place. Voilà la chose comme elle est, mais ne laissez pas d’être obligeant ; je vous en remercie de tout mon cœur. »

Une jeune personne s’approcha de nous, et, ayant parlé de divers romans, demanda à Frédérique si elle les avait lus. Frédérique répondit que non. En général, elle avait peu lu ; elle avait grandi et s’était formée en jouissant gaiement et innocemment de la vie. J’étais sur le point de nommer le Vicaire de Wakefield, mais je n’osai le lui offrir : la ressemblance des situations était trop frappante et trop significative. « J’aime beaucoup à lire les romans, dit-elle, on y trouve des gens tout aimables, auxquels on voudrait bien ressembler. »

Le lendemain, eut lieu le mesurage de la maison. L’opération