Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/522

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D’un côté, on s’attache fermement à la tradition, de l’autre, on ne peut arrêter le mouvement et le cours des choses. Ici on redoute une innovation utile, là on se plaît aux nouveautés, fussent-elles inutiles ou même nuisibles. Comme l’auteur développe sans préjugés les relations des États, ainsi que les rapports mutuels des villes, des bourgs et des villages ! On apprend à connaître leurs droits en même temps que les motifs juridiques ; on apprend où réside le vrai capital de l’État et les intérêts qu’il rapporte. Nous voyons la propriété avec ses avantages et, d’un autre côté, les impôts et les charges de divers genres, puis les divers modes d’acquérir ; ici sont pareillement opposés les uns aux autres, les temps anciens et nouveaux.

Osnabruck, comme membre de la Hanse, nous offre dans les anciens temps le spectacle d’une grande activité commerciale. Il a, selon les convenances de l’époque, une belle et remarquable situation ; il peut s’approprier les produits du pays, et n’est pas assez éloigné de la mer pour ne pas y exercer aussi sa part d’activité. Mais, plus tard, il se trouve déjà enfoncé dans les terres ; il s’éloigne et se voit exclu peu à peu du commerce maritime. Mœser montre, sous plusieurs faces, comment cela est arrivé. Il parle du conflit de l’Angleterre et des côtes, des ports et de l’intérieur du pays ; il expose les grands avantages des populations riveraines de la mer, et présente de sérieux projets sur les moyens d’assurer ces avantages aux habitants de l’intérieur des terres. Puis nous apprenons beaucoup de choses sur les industries et les métiers, et comment ils sont débordés par les fabriques, écrasés par le petit commerce. Nous voyons la décadence comme résultat de diverses causes, et ce résultat, à son tour, comme cause d’une nouvelle décadence, dans un cercle éternel dont il est difficile de sortir ; mais le bon citoyen le trace si nettement, qu’on se flatte encore d’y pouvoir échapper. L’auteur fait pénétrer une lumière sûre dans les détails les plus particuliers. Ses projets, ses conseils, rien n’est chimérique, mais bien des choses sont inexécutables. C’est pourquoi il a intitulé son recueil Fantaisies patriotiques, quoique tout s’y renferme dans le réel et le possible.

Mais, comme tout l’État repose sur la famille, Mœser porte aussi particulièrement ses regards sur elle. Les changements des mœurs et des coutumes, de l’habillement, de la diète, de la vie domestique, de l’éducation, sont l’objet de ses observations sérieuses ou badines. Il faudrait énumérer tout ce qui se passe dans le monde civil et moral, pour épuiser tous les sujets qu’il traite. Et sa manière de les traiter est admirable. Un administrateur accompli s’adresse au peuple dans une gazette, pour faire voir à chacun, sous le véritable jour, ce qu’une administration éclairée et bienveillante entreprend ou exécute. Il ne prend point le ton didactique, mais les formes les plus variées, qu’on pourrait nommer poétiques, et qui, certainement, doivent passer pour oratoires, dans le meilleur sens de ce mot. Il domine ton ours sa matière et sait nous offrir une vue attrayante de l’objet le plus sérieux ; caché à demi, tantôt sous un masque, tantôt sous un autre, tantôt se montrant à visage découvert, toujours complet, avec cela, toujours gai, plus ou moins ironique, parfaitement habile, honnête, bien intentionné, quelquefois même âpre et véhément, et tout cela dans