Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/597

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ciété, que de jours troublés ! que d’heures perdues ! L’histoire des parties de plaisir d’où le plaisir finissait par s’envoler, un frère en retard, qui me demandait de l’attendre, qui terminait d’abord ses affaires tout à loisir, peut-être avec une malicieuse lenteur, et troublait ainsi tous les arrangements que nous avions pris ; ajoutez les rencontres et les manquements, l’impatience et la privation ; toutes ces peines qui, minutieusement décrites dans un roman, trouveraient sans doute des lecteurs sympathiques, je dois les omettre ici. Cependant, pour que cette exposition méditée ait un air de vie, un sentiment de jeunesse, je citerai quelques poésies, connues, il est vrai, mais qui peut-être seront ici plus expressives.

« Mon cœur, mon cœur, quel est ce mystère ? Quel mal si vivement te presse ? Quelle étrange et nouvelle vie ! Je ne te reconnais plus. Tout ce que tu aimais est bien loin, bien loin l’objet de ta tristesse, bien loin ton travail et ton repos… Ah ! comment donc en es-tu venu là ?

« Cette fleur de jeunesse, cette aimable figure, ce regard plein de candeur et de bonté, est-ce qu’ils t’enchaînent avec une puissance infinie ? Si je veux brusquement me séparer d’elle, m’évertuer, la fuir, hélas ! au même instant mon sentier me ramène auprès d’elle.

« Et avec ce lil enchanté, qui ne se laisse pas rompre, l’aimable et folle jeune fille m’arrête malgré moi. Il faut que désormais je vive à sa guise, dans son cercle magique. Quel changement, hélas ! Amour, Amour, brise ma chaîne ! »




« Hélas ! pourquoi m’entraîner absolument dans cette brillante assemblée ? Le bon jeune homme n’était-il pas heureux dans la nuit solitaire ?

« Secrètement reclus dans ma chambrette, j’étais couché au clair de la lune, tout enveloppé de sa mystérieuse lumière, et je commençais à sommeiller.

« Là je rêvais les heures dorées d’un bonheur sans mélange ; j’avais senti ta chère image tout entière au fond de mon cœur.

« Est-ce bien moi que tu enchaînes, devant mille bougies, à