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LIVRE XIX.


Annoncés par les faibles aboiements d’un petit chien qui vint à notre rencontre, nous fûmes reçus à la porte amicalement par une femme vieillotte, mais robuste. Elle excusa le père, qui était allé à Milan, mais qu’on attendait ce soir. Puis, sans beaucoup de paroles, elle s’occupa de notre bien-être et de nos besoins. Une vaste chambre chaude nous recueillit ; on nous servit du pain, du fromage et un vin potable ; on nous promit un souper suffisant. Alors nous revînmes sur les merveilles du jour, et mon ami se félicitait que tout eût si bien réussi, et que nous eussions passé une journée dont les impressions ne pouvaient être rendues ni par la prose ni par la poésie. Le crépuscule était fort avancé lorsque enfin le respectable père arriva. Il salua ses hôtes avec une dignité amicale et familière, puis, adressant quelques mots à la cuisinière, il lui recommanda de faire pour le mieux. Nous lui laissâmes voir notre étonnement qu’il se fût décidé à passer sa vie dans ces hauts lieux, dans une solitude si complète, loin de toute société. Il nous répondit qu’il ne manquait jamais de société ; c’est ainsi que nous étions venus à notre tour le réjouir par notre visite. Le transport des marchandises était considérable de part et d’autre, entre l’Italie et l’Allemagne. Ces expéditions, qui ne cessaient pas, le mettaient en rapport avec les premières maisons de commerce. Il descendait souvent a Milan ; il se rendait plus rarement à Lucerne ; mais les maisons qui étaient chargées sur cette route du service de la poste lui envoyaient fréquemment des jeunes gens, qui devaient se familiariser, dans ce point élevé et intermédiaire, avec toutes les circonstances et les événements qui pouvaient survenir dans ces affaires.

Au milieu de ces entretiens divers, la soirée s’écoula, et nous passâmes une nuit tranquille dans des lits un peu courts, fixés