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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/672

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ne me paraissait plus désirable que de m’en rapprocher, puisque je m’éloignais définitivement de Lili. Cependant je m’étais habillé et je me promenais dans la chambre : mon hôtesse entra gravement. « Que dois-je espérer ? s’écria-t-elle. — Mon amie, lui dis-je, ne me faites aucune objection. Je suis décidé à retourner. J’ai pesé les motifs en moi-même ; les répéter serait inutile. Il faut finir par prendre une résolution, et qui doit la prendre, si ce n’est celui qu’elle concerne ? » J’étais ému, elle aussi, et il y eut une scène orageuse, à laquelle je mis fin en ordonnant à mon domestique de commander les chevaux. Vainement je priai mon hôtesse de se calmer, et de transformer en véritables adieux ceux que j’avais adressés la veille à la société dans une forme badine ; de réfléchir qu’il ne s’agissait que d’une visite, d’un séjour momentané à la cour ; mon voyage d’Italie n’était point abandonné, ni mon retour à Heidelberg impossible. Elle ne voulut rien entendre ; ému comme je l’étais, elle me troubla toujours davantage. La voiture était devant la porte ; mes effets étaient chargés, le postillon faisait entendre le signal ordinaire d’impatience. Je m’arrachai des bras de mon amie. Elle ne voulait pas me laisser partir, et employait, avec assez d’adresse, tous les arguments de circonstance, en sorte que je finis par m’écrier avec chaleur, avec transport, comme le comte d’Egmont : « Enfant ! enfant ! assez ! Comme aiguillonnés par des esprits invisibles, les chevaux du soleil emportent le char léger de notre destinée, et il ne nous reste qu’à tenir bravement les rênes d’une main ferme, et à détourner les roues, tantôt à droite, tantôt à gauche, ici d’une pierre, là d’un précipice. Où nous allons… qui le sait ? À peine se souvient-on d’où l’on est venu[1]. »


FIN DES MÉMOIRES.
  1. Egmont, acte II. Voyez tome I, page 309.