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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/72

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digne qu’il en fût par ses connaissances et ses lumières. Les Allemands et en particulier les antiquités de Francfort lui sont très-redevables. Il a publié les Remarques sur ce qu’on nomme la réforme de Francfort, ouvrage dans lequel sont rassemblés les statuts de la ville impériale. J’en ai étudié avec soin, dans ma jeunesse, les chapitres historiques.

Ochsenstein, l’aîné de ces trois frères, nos voisins, dont j’ai parlé plus haut, n’avait pas, avec son existence casanière, fixé l’attention pendant sa vie, mais il fit d’autant plus parler de lui après sa mort. Il avait déclaré qu’il voulait être enseveli de bon matin, sans bruit, sans suite ni cortège, et porté par des ouvriers. La chose eut lieu, et elle fit une grande sensation, dans une ville accoutumée aux enterrements fastueux. Tous ceux qui trouvaient dans ces occasions des profits traditionnels s’élevèrent contre cette nouveauté. Mais l’honnête patricien trouva des imitateurs dans toutes les classes, et ces convois qu’on nommait par moquerie Ochsenleichen (convois de bœufs) n’en prirent pas moins faveur, au grand avantage des familles peu aisées, et les ensevelissements de parade disparurent de plus en plus. Je rapporte cette circonstance, parce qu’elle offre un des premiers symptômes de ces sentiments d’humilité et d’égalité dont les hautes classes donnèrent le signal de tant de manières, dans la seconde moitié du dernier siècle, et qui ont abouti à des effets si inattendus.

Francfort avait aussi des amateurs de l’antiquité. Il existait des galeries de tableaux, des collections de gravures, mais on recherchait surtout avec zèle et l’on recueillait les curiosités nationales. On quêtait diligemment, soit en imprimés soit en manuscrits, les anciennes ordonnances et les édits de la ville impériale, dont on n’avait fait aucune collection ; on les rangeait dans l’ordre chronologique et on les conservait avec un soin jaloux, comme un trésor de lois et de coutumes nationales ; les portraits de Francfortois, dont il existait un grand nombre, étaient rassemblés et formaient une division particulière des cabinets.

Tels sont les hommes que mon père semblait avoir pris pour modèles. Il avait toutes les qualités d’un loyal et honorable bourgeois. Après avoir achevé de bâtir sa maison, il mit aussi