Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/17

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à ses yeux que des obstacles au progrès de la civilisation. C’est à ce point de vue qu’il faut le juger, si l’on veut être équitable envers lui. Il était mieux qu’un patriote, il était un homme. C’est le témoignage que lui rendit Napoléon I" dans leur célèbre entrevue. Il travailla toute sa vie à abaisser les barrières qui séparent les nations. Il savait aimer et apprécier le bon et le beau chez les étrangers. Au fond de l’âme, il aimait et il admirait la France. Quelle place son histoire n’occupe-t-elle pas dans les ouvrages du poête ! Que d’inspirations n’a-t-il pas trouvées chez elle ? Il parla souvent de ses grands hommes dans les termes de la plus vive admiration, au risque de blesser les préjugés de ses compatriotes. Véritable citoyen du monde, il ne pouvait être hostile aux principes de-89 ; mais il n’avait pas une assez haute opinion du siècle pour les croire applicables de nos jours. Il prévit de loin et il détesta les excès. Cela ne l’empêchait pas de condamner l’aveuglement et les torts du parti contraire. Cependant il marcha fidèlement à la suite de son prince dans la campagne de 1792, et, quand le mauvais succès eut justifié ses tristes prévisions, il sentit aussi vivement que personne l’humiliation de la défaite. Deux ou trois courts passages de son récit en disent plus là-dessus que de longues déclamations.

A son retour, une agréable surprise l’attendait : le duc avait fait rebâtir à neuf, pendant son absence, sa-maison du Frauenplan. Elle pouvait passer alors pour un palais. La construction n’était pas si avancée que Goethe ne pût la terminer à son gré. Un escalier de belle apparence lui rappela l’Italie. Les bustes des dieux de l’Olympe frappaient d’abord les regards : c’étaient les symboles du repos etde l’accomplissement. A l’entrée du vestibule, le regard s’arrête sur de beaux plâtres logés dans des niches, sur le plan de Rome qui décore la muraille, et sur le plafond, où HenriMeyer a représenté l’Aurore.

Près de la porte est le groupe d’Ildefonse. Dès l’abord, le Salve romain adresse aus arrivants la bienvenue. Au premier étage se trouve, en entrant, la salle de Junon, ainsi nommée du buste de la Junon Ludovisi, que Goethe avait apporté de Rome. Aux murs sont suspendues les Loges de Raphaël. A gauche est la salle de réception, où l’on voit le piano qui anima tant de belles soirées. Il vibra sous les doigts de Hummel et du jeune Mendelssohn ; il accompagna les chants de Catalani et de Sonntag. Les dessus de portes sont décorés de cartons mythologiques par HenriMeyer ; aux murs, une copie des Noces Aldobrandines, des esquisses et des gravures de grands maîtres, une armoire renfermant des cuivres et des gemnes ; une autre armoire, qui contient des statuettes de bronze, des lampes et