Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/20

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nombreux ; il en exécutait quelques-uns. Une tragédie, le Prométhcc déchaîné, fut entreprise, puis abandonnée.

Les Heures n’avaient pas été accueillies avec la faveur qu’elles méritaient. Les deux amis ne purent souffrir patiemment ni la froideur du public et l’engourdissement de l’opinion, ni les sottes critiques de la médiocrité. Ils résolurent d’en tirer une vengeance littéraire, et ils publièrent lesXénies. La première idée en appartient à Goethe. Elle lui vint à la lecture de Martial. Il composa sur-le-champ une douzaine d’épigrammes, et les envoya à Schiller pour l’Almanach des Muses. Schiller les reçut avec beaucoup de plaisir, mais il jugea qu’il fallait aller jusqu’à la centaine et y faire figurer tous leurs ennemis. L’ardeur belliqueuse augmentant toujours, on résolut de pousser jusqu’à mille. Les deux poètes y travaillèrent à l’envi, et de telle sorte qu’on ne distinguait plus à qui appartenait telle ou telle pièce. Souvent elles furent l’œuvre de tous deux.

Qu’on ne s’étonne pas du mouvement extraordinaire qu’elles produisirent, des indignations furieuses, des admirations hyperboliques. Les personnalités, quel qu’en soit le mérite litteraire, allument toujours les passions. C’était ce que voulaient nos deux athlètes, qui, poussés à bout par le mauvais accueil qu’on leur avait fait, crurent devoir recourir à ce moyen extrême pour secouer les esprits et signaler la sottise et l’envie. Nous ne pouvons juger plus rigoureusement ces épigrammes que celles de Boileau, de Jean-Baptiste et de Lebrun.

Cependant on aime mieux suivre les deux amis dans une plus noble carrière. Schiller avait trouvé à Weimar un théâtre tout prêt et un directeur dévoué, qui se plaisait à faire valoir les ouvrages de son émule, qui les soignait et les adoptait comme siens. Goethe, de son côté, achevait Wilhelm Meister avec les encouragements de Schiller, qui fut d’abord presque seul à reconnaître le mérite de cet ouvrage. Hcrmann et Dorothée est aussi de ce temps-là. Goethe méditait un poème sur lâchasse, qui est resté malheureusement à l’état de projet.

L’année 1797 fut particulièrement féconde. On la nomma l’année des ballades. Nos deux émules s’y exercèrent à l’envi, et produisirent ce qu’ils ont fait de mieux dans ce genre. La Fiancée de Co~ rinlhe, le Dieu et la Bayadcre, le Chercheur de trésors, l’Apprenti sorcier, sont de cette époque.

Goethe désirait passionnément retourner en Italie ; Schiller voyait ce projet avec chagrin. Son ami était assez riche, il avait assez recueilli et ne devait plus songer qu’à faire valoir les immenses res-