Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/231

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de la colline, et l’on admire la scène nouvelle et magnifique qui a changé tout à coup l’aspect de la contrée. La ville, bien bâtie et bien entretenue, entourée de jardins et de groupes d’arbres, se trouve à l’extrémité d’une importante vallée que parcourt la Nahe. Et puis le Rhin, le Maeusethurm, l’Ehrenféls, dans le fond, les rochers sombres et sévères où pénètre et se cache le grand fleuve.

La procession monte, rangée et ordonnée comme les autres : d’abord les petits enfants, puis les jeunes gens et les hommes. On porte saint Roch, vêtu d’un habit de pèlerin en velours noir ; par-dessus, un long manteau royal de même étoffe, bordé de galons d’or ; sous le manteau se montre un petit chien, le pain entre les dents. Viennent ensuite de jeunes garçons, en noir et court vêtement de pèlerin, le bourdon à la main, le chapeau et le collet entourés de coquillages. Après eux s’avancent des hommes à l’air grave, qui ne paraissent ni des bourgeois ni des paysans. A leurs flgures sillonnées, je les croirais des mariniers, gens qui exercent avec précaution pendant toute leur vie un métier dangereux, difficile, où chaque moment réclame une attention réfléchie.

Un baldaquin de soie rouge montait en balançant, et couvrait le saint sacrement, que portait l’évêque, entouré des principaux ecclésiastiques, accompagné d’officiers autrichiens, suivi des autorités civiles. C’est ainsi qu’on s’avançait pour célébrer cette fête politique et religieuse, qui semblait symboliser la réoccupation de la rive gauche du Rhin, comme la liberté de croire aux signes et aux miracles.

Si je devais exprimer brièvement les impressions les plus générales que toutes ces processions m’ont laissées, je dirais que tous les enfants étaient joyeux et satisfaits, comme pour un événement nouveau, merveilleux et gai ; en revanche, les jeunes gens s’avançaient avec indifférence, car ils étaient nés dans les mauvais temps, la fête ne leur pouvait rien rappeler, et qui n’a pas souvenir du bien n’espère pas. Les vieillards, au contraire, étaient tous émus, comme à la pensée d’un heureux âge, qui revenait inutilement pour eux. On voit de là que la vie de l’homme n’a de valeur qu’autant qu’elle offre une suite.

Mais l’observateur qui suivait des yeux ce noble et intéres-