Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/258

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Toutefois la résolution était prise, et la perspective d’une location à vie dans une maison bien située, mais qu’il fallait d’abord remettre à neuf, donnait à l’imagination de ma bonne mère une disposition sereine, qui lui aidait à supporter les désagréments de la situation présente.

Des bruits vagues sur l’approche et l’invasion des ennemis répandirent une effrayante incertitude. Des négociants éloignaient leurs marchandises, beaucoup de gens, leurs effets précieux portatifs, et cela avertissait bien des personnes de penser à elles-mêmes.

L’incommodité d’une émigration et d’un changement de.domicile luttait avec la crainte des mauvais traitements. Mon beaufrère Schlosser s’était vu aussi emporté dans ce tourbillon. J’avais offert bien souvent à ma mère une tranquille retraite auprès de moi, mais elle ne sentait aucune inquiétude pour sa personne ; elle se renfermait dans sa foi d’Ancien Testament et, par quelques passages des psaumes et des prophètes, qui s’offraient à elle à propos, dans son attachement pour sa ville natale, avec laquelle elle s’était tout particulièrement identifiée, ce qui la détourna même de me faire jamais une visite.

Elle s’était prononcée sur sa ferme résolution de rester à Francfort, quand Mme de La Roche annonça à Wieland sa prochaine arrivée et, par là, le mit dans le plus grand embarras. Nous lui rendîmes un service d’amis. Ma mère, qui savait si bien se conduire en pareille occasion, supportant beaucoup ellemême, calma son amie par son exemple, et nous lui en sûmes très-bon gré.

Si le théâtre ne me charmait pas, il me tenait du moins dans une occupation continuelle. Dès le commencement de l’année, nous donnâmes la Flûte enchantée, puis Richard Cœur de Lion, et, pour le temps, pour les circonstances, c’était déjà quelque chose. Puis vinrent à la file plusieurs drames d’Iffland, et notre personnel apprenait toujours mieux à les rendre.

L’université d’Iéna, après le départ de Reinhold, osa le remplacer par Fichte, qui s’était prononcé dans ses écrits avec grandeur, mais non peut-être avec une entière convenance, sur les objets les plus importants de la morale et de la politique. Et comment aurait-il consenti à marcher du même pas que le