Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/26

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entre ses partisans et ceux de son ami, il disait que leurs compatriotes devaient bien plutôt se réjouir d’avoir deux pareils « gaillards » sur lesquels ils pouvaient disputer. Le bon et modeste Schiller se mettait fort au-dessous de Goethe, qui disait à son tour : « Mes ouvrages ne seront jamais populaires comme les siens. »

Nous le laisserons rapporter lui-même, dans les Annales, la mort deHerder, la visite de Mme de Staël (1804), enfin la mort de Schiller, qui arriva une année plus tard.

Une fois privé de son émule, il vécut d’abord très-solitaire. Il avait perdu plus qu’un ami ; celui qui avait su réveiller son ardeur poétique, lui rendre « un nouveau printemps, » n’était plu-- là: nous verrons Goethe se livrer encore au travail, à l’étude, aux recherches scientifiques, aux expériences de tout genre, produire même des ouvrages dont un autre serait fier ; mais la splendeur du midi est passée ; l’astre, toujours brillant, a perdu de sa chaleur ; le soir approche.

Les confidences de Goethe nous font assez entendre que ni Jacobi ni Wolf, qui vinrent peu de temps après à Weimar, ne pouvaient lui tenir lieu de ce qu’il avait perdu. Ses relations avec les hommes marquants se multiplièrent : elles ne comblèrent pas le vide laissé par une amitié parfaite.

Mais l’année suivante (1806 ) amena une diversion qui ne fut que Irop puissante. Dès le printemps, on prévit des troubles de guerre. Les rapports étaient toujours plus hostiles entre la Prusse et Napoléon ; le duc de Weimar avait repris un commandement au service de cette puissance, et ses petits États furent enveloppas dans les orages qui assaillirent le nord de l’Allemagne. Le 14 octobre, à sept heures du matin, on entendit à Weimar une canonnade lointaine. La bataille d’Iéna avait commencé. Goethe entendit les sourdes détonations avec un effroi manifeste. Vers midi, elles s’affaiblirent. 11 se mit à table comme de coutume. A peine le repas était-il commencé, que le tonnerre de l’artillerie éclata sur la ville. Goethe quitte la table. Riemer, son secrétaire, arrive et le trouve qui se promène de long en large dans le jardin. Les boulets volaient par-dessus le ? maisons ; les baïonnettes de l’infanterie prussienne fugitive brillaient an-dessus des murs du jardin. Les Français avaient braqué du canon sur les hauteurs et ils foudroyaient la ville. La journée était belle et sereine. Les oiseaux chantaient sur l’esplanade, et le calme profond de la nature formait avec le bruit sauvage de la guerre un contraste saisissant. Les rues étaient mortes. Tout le monde se tenait caché. De moment en moment, un coup de canon in-