Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/282

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Holstein, qui m’annonçait avec une politesse familière qu’une société de jeunes amis avait formé le projet de me rendre visite à Weimar vers la Saint-Michel, et qu’ils espéraient voir ici leur désir satisfait. Je les entretins avec intérêt et avec plaisir. Une réception si amicale eût été bonne à un homme en santé: elle l’était au double pour un convalescent.

Le conseiller Bloumenbach me reçut à sa manière accoutumée. Toujours entouré des choses les plus nouvelles et les plus remarquables, il communique l’instruction à tous ceux qui le visitent. Un jeune Kestner et d’Arnim, qui était pour moi une ancienne connaissance, me conduisirent au manége, où je vis en fonctions le célèbre écuyer Ayrer. Un manége bien établi a toujours quelque chose d’imposant. Le cheval est placé trèshaut dans l’échelle des êtres, mais sa remarquable intelligence est singulièrement limitée par des extrémités massives. Un animal qui, avec de si importantes et si grandes qualités, ne peut que marcher, courir, galoper, est un singulier objet pour l’observateur ; on est tenté de croire qu’il fut créé uniquement pour être l’instrument de l’homme, et, associé à une pensée, à un but plus élevé, accomplir jusqu’à l’impossible avec une force et une grâce infinies. Si la vue d’un manége produit sur l’homme intelligent un si heureux effet, c’est qu’on y voit de ses yeux, on y saisit de la pensée, ce qui ne se rencontre peut-être que là, une action sagement limitée, soustraite à toute espèce d’arbitraire et même aux chances du hasard. L’homme et l’animal s’identifient de telle sorte qu’on ne pourrait dire lequel forme l’autre.

Pour passer de là à l’activité la plus calme et la plus invisible, on me conduisit à la bibliothèque, où je ne jetai qu’un coup d’œil rapide. Là, je me sentais en présence d’un grand capital qui rapporte sans, bruit des intérêts incalculables.

Le conseiller Heyne me montra des têtes de héros d’Homère dessinées en grand par Tischbein. Je reconnus la main de mon ancien ami, et je vis avec joie ses nouveaux efforts pour arriver par l’étude de l’antique à découvrir comment l’artiste doit lutter avec lepoète.

Les séductions par lesquelles Bloumenbach sait attirer à lui la jeunesse et l’instruire en l’amusant, produisirent leur effet