Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/286

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taient dans la partie historique de mon Traité des couleurs. Je trouvai des secours abondants. Je passais une grande partie du jour dans la bibliothèque ; beaucoup de livres me furent apportés chez moi, et je fis le plus utile emploi de mon temps. Je passai mes autres heures de la manière la plus agréable. Il me faudrait nommer tout Goettingue, si je voulais entrer dans le détail des sociétés d’amis, des dîners, des soupers, des promenades et des parties de campagne. Tous les savants me faisaient part de leurs travaux. Mais je m’aperçus à la fin qu’il était dangereux pour moi de m’approcher d’une si grande masse de science : je me sentais attiré de tous côtés, et les notes que je recueillais commençaient à prendre une forme très-bigarrée. Je me resserrai bientôt dans mes étroites limites, et je sus arriver en temps opportun àune conclusion.

Tandis que je passais des jours si utiles et si agréables, mes nuits étaient troublées d’une manière que je trouvais alors infiniment désagréable et qui, à distance, n’est plus que risible.

Ma belle et admirable amie, Mlle Jagemann, avait ravi le public avant mon arrivée. Les maris parlaient de ses avantages avec plus d’enthousiasme que leurs femmes n’auraient voulu ; la jeunesse impressionnable n’était pas moins transportée : cependant les dons et les talents supérieurs de notre artiste me préparaient un cruel supplice. La fille de mon hôte avait une jolie voix, heureusement cultivée, mais le trille lui manquait : elle en apprit le charme par notre cantatrice, qui l’exécutait en perfection. Ma voisine parut négliger tout le reste et se proposer d’acquérir cet ornement du chant. Comment elle y travaillait le jour, je ne saurais le dire, mais, la nuit, au moment où l’on allait chercher le repos, son ardeur s’élevait au comble ; elle répétait jusqu’à minuit certains passages à cadences, qui devaient être couronnés par un trille, dont elle faisait le plus souvent quelque chose d’horrible."

Autre désespoir : une troupe de chiens se rassemblait autour de la maison, et poussait sans relâche des aboiemenls insupportables. Pour les chasser, on s’emparait des premiers projectiles venus ; bien des cornes d’Ammon, que mon fils avait rapportées à grand’peine du Hainberg, volèrent dans l’air et