Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/293

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et Giebichenstein se trouvant dans les environs, je me sentis attiré par l’humeur hospitalière de Reichardt. Une excellente femme, de belles et charmantes filles, offraient dans une romantique retraite champêtre un cercle de famille infiniment agréable, dans lequel des hommes marquants, venus de près ou de loin, faisaient volontiers des séjours plus ou moins longs, et formaient pour la vie d’heureuses liaisons. Je ne dois pas omettre de dire que j’eus le plaisir d’entendre l’aînée des filles de Reichardt chanter d’une voix harmonieuse les mélodies qu’il avait, le premier, consacrées à mes chansons.

Si mon séjour à Halle me fut profitable, je ne dus pas moins à celui que je fis à léna pendant le mois d’août, et j’aurais voulu le prolonger encore pour mon plaisir et mon instruction, mais je fus rappelé à Weimarpour notre quatrième exposition. Elle réussit fort bien, elle fut très-visitée, et nous fournit l’occasion de nous entretenir avec des amateurs nationaux et étrangers. Le conseiller Bloumenbach nous donna quelques jours, et, comme un bonheur n’arrive jamais seul, la bonne harmonie se rétablit peu à peu dans la société de Weimar.

J’avais passé cette année dans un mouvement continuel, et séjourné tantôt àAVeimar, tantôt à léna et à Lauchstaedt ;cependant mon petit domaine de Rossla m’obligea aussi à plusieurs allées et venues. J’avais sans doute déjà reconnu assez clairement que, pour tirer un avantage réel d’une si petite propriété, il faudrait la cultiver, la soigner soi-même, être soi-même son fermier et son intendant, en tirer directement son entretien, ce qui ferait une existence fort jolie, mais non pour un homme du monde trop délicat.

Cependant ce qu’on appelle la vie champêtre, dans un agréable vallon, auprès d’une petite rivière bordée d’arbres et de buissons, dans le voisinage de fertiles collines, non loin d’une petite ville peuplée et industrieuse, avait de quoi m’intéresser des jours entiers, et m’inspirait même une sérénité favorable à de petites compositions poétiques ; une femme et des enfants sont là dans leur élément, et le commérage, insupportable dans les petites villes, est là du moins à sa plus simple origine ; même l’aversion et la malveillance semblent plus franches, parce qu’elles résultent des besoins immédiats de l’humanité.