Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/306

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compréhensible pour elle ? Elle me dit que j’avais eu tort de traiter ce sujet ; le livre où je l’avais puisé n’était pas estimé du public ; l’héroïne qui y figurait n’était pas bien vue dans la bonne société. Comme j’étais d’assez joyeuse humeur pour écarter ces critiques en badinant, elle répliqua qu’en Allemagne le grand défaut des auteurs était justement de ne pas s’inquiéter du public.

Vers la fin de juin, je me rendis à léna, où je fus assez gaiement accueilli par les feux de la Saint-Jean, qui brillaient en obélisques,en pyramides, semblaient s’éteindre puis se rallumer tout à coup, et présentaient du haut en bas de la vallée les jeux les plus variés. Au sommet du Hausberg s’élevait un feu remarquable, mais mobile et agité : tout à coup il parut couler en deux ruisseaux qui s’écartaient l’un de l’autre et qui, réunis par une ligne transversale, formèrent un A, en l’honneur de notre duchesse Amélie. Cette apparition fut accueillie avec des applaudissements universels.

La collection de la Société de minéralogie recevait des accroissements considérables. Le duc parut à Weimar, et il prit la résolution de fonder un musée anatomique ; l’entreprise prospéra bientôt par les soins du professeur Ackermann, appelé d’Heidelberg.

Les lettres de Winckelmann au conseiller Bérendis étaient depuis longtemps dans mes mains, et je m’étais préparé à les publier : afin de grouper tout ce qui pourrait servir à peindre cet homme extraordinaire, j’intéressai à l’œuvre mes dignes amis Wolf à Halle, Meyer à Weimar, et Fernow à léna : ainsi se forma le volume in-oclavo que j’ai donné au public.

Schiller m’avait remis un manuscrit français, le Neveu de Rameau, et me demandait de le traduire. J’avais depuis longtemps beaucoup de goût, non pas pour les opinions de Diderot, mais pour sa manière d’écrire, et je trouvai un remarquable mérite dans le petit cahier que j’avais sous les yeux. J’avais rarement vu quelque chose de plus téméraire et de plus contenu, de plus spirituel et de plus hardi, de plus moralement immoral, et je résolus donc de le traduire. Afin de rendre l’ouvrage intelligible aux lecteurs et à moi-même, je mis à contribution tout ce que j’avais recueilli auparavant des trésors de la littérature. Ainsi