Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/31

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tive, Minna Herzlieb, qui a pour nous un intérêt tout particulier, parce qu’elle est l’original de l’Ottilie des Affinités électives. Comme enfant, elle avait été la favorite de Goethe ; devenue une jeune fille, elleeut pour lui un attrait contre lequel toute sa raison luttaiten vain, et, malgré l’énorme différence des âges, ce charme fut réciproque. Les Sonnets, plus tard dérobés parBettine, et qui furent adressés à Minna Herzlieb, sont, avec les Affinités électives, la preuve éloquente de la passion du poète. Il est facile de comprendre que cette attraction mutuelle des deux cœurs dut alarmer les amis. On se hâta d’envoyer Minna en pension, et cette séparation, douloureusement sentie, les sauva tous deux. Suivant son habitude, Goethe exhala sa flamme dans une œuvre poétique, le roman des Affinités électives. Peut-être, si les circonstances qui l’ont inspiré étaient mieux connues, trouverait-on dans ce livre autant de réalités que dans Werther. Minna se maria plus tard et fut heureuse. Goethe sentit longtemps sa blessure. On verra qu’il y fait allusion dans ses Annales.

Ce fut en 1810 qu’il commença à écrire ses Mémoires Il a regretté de n’y avoir pas songé du vivant de sa mère, qui lui aurait rappelé et même indiqué beaucoup de faits intéressants. Ce grand travail l’occupa plusieurs années.

Les temps étaient venus où il devait se voir enlever successivement presque tous ses amis. L’année 1813 amena une séparation cruelle. Wieland mourut, et ce coup ébranla Goethe plus qu’on ne l’aurait imaginé. On lira dans ce volume le touchant éloge funèbre qu’il prononça en l’honneur du chantre d’Obéron dans la loge des francs-maçpns à Weimar. Encore un écrit de notre poète, où se manifestent, de la manière la plus aimable, ses sentiments affectueux.

Mais les mouvements politiques de 1813 durent faire encore une puissante diversion à tous les chagrins particuliers. L’Allemagne se souleva contre le tout-puissant Napoléon. Goethe douta du succès, ou plutôt il en désespéra. Il n’était pas le seul, et ce serait une souveraine injustice de lui en faire un crime. Ami et ministre d’un prince peu puissant, qu’il avait vu humilié et presque détrôné, sept ans auparavant, pour avoir pris parti contre le grand Empereur, il devait être circonspect par position, par office, quand il ne l’aurait pas été par tempérament. Ne lui reprochons pas non plus d’avoir cherché, suivant ses instincts, pendant ces terribles jours, des distractions dans la poésie. Des ballades comme la Danse des morts, le Fidèle Eckart, la Cloche qui chemine, n’ont pas besoin de demander grâce, parce qu’elles sont nées au milieu des orages qui allaient changer la face du monde.