Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/326

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aucune relation, mais ses travaux ne m’avaient jamais été étrangers. J’entendais beaucoup parler de lui par Wieland et Herder, avec lesquels il resta toujours en correspondance. Nous fûmes reçus très-amicalement dans sa demeure par M. Koerle. Elle annonçait une honnête aisance, une vie paisible, des habitudes tranquilles et hospitalières. Nous célébrâmes en présence de son héritage son influence passée ; nous parlâmes beaucoup de lui ; on nous montra diverses choses, et M. Koerte nous promit une biographie détaillée de Gleim et la publication de sa correspondance.

Nous trouvâmes un attrait particulier dans le temple de l’amitié. C’était une collection de portraits de ses amis anciens et nouveaux, beau témoignage de son estime pour ses contemporains. On voyait là plus de cent poètes ou littérateurs, mais pas un musicien, pas un compositeur ! Ce vieillard, qui semblait ne vivre et ne respirer que pour chanter, n’avait-il donc aucune idée du véritable chant, de l’art musical, l’élément d’où jaillit et où revient toute poésie ?

Gleim était essentiellement un homme bienveillant, et il le faisait voir par son langage et sa conduite1. Il faut de plus reconnaître en lui, à tous égards, l’esprit du citoyen. Il se montre, envers la patrie et le monde, un vrai libéral. En revanche, toutes les nouvelles tendances révolutionnaires qui se manifestent dans ses vieux jours, il les déteste profondément, comme autrefois tout ce qui était hostile à la Prusse et à son grand roi.

Comme toute religion doit favoriser les paisibles relations des hommes, et que la religion chrétienne évangélique y est particulièrement propre, Gleim pouvait, en pratiquant sans cesse la religion de l’honnête homme, qui lui était naturelle et nécessaire, se juger le plus croyant de tous les hommes, et s’en tenir paisiblement à la confession héréditaire comme au simple culte traditionnel de l’Église protestante.

Après tous ces vivants souvenirs, nous devions avoir encore une image du passé, car nous pûmes voir sur son lit de douleur la nièce de Gleim, qui s’en allait. Elle avait été longtemps, sous le nom de Gléminde, l’ornement d’un cercle poétique. La


1. Comparez tome VIII, page 345.