Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/336

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l’homme extraordinaire des intentions humaines et morales ; puis la pièce finissait par exprimer en termes vifs tous les maux qu’on avait eu à souffrir de lui dans les derniers temps. Avec peu de changements, on aurait pu faire de ce morceau la plainte d’un amant trompé par sa maîtresse infidèle. La pièce était donc aussi ridicule que dangereuse.

Les instances des honorables habitants d’Iéna, avec qui j’avais vécu en bons rapports durant tant d’années, me portèrent à passer sur une loi que je m’étais faite de ne pas me mêler d’affaires publiques. Je pris le manuscrit et je trouvai l’auteur dans les salles antiques et spacieuses de la pharmacie Wilhelmi. Après que nous eûmes renouvelé connaissance, j’articulai ma protestation, et j’eus affaire, comme il fallait s’y attendre, à un auteur obstiné. Mais je me montrai aussi obstiné citoyen, et je produisis, avec une éloquente vivacité, mes raisons, qui certes avaient assez de poids, si bien qu’à la fin il céda, et nous nous séparâmes bons amis.

Je rencontrai à la table du prince de Hohenlohe plusieurs grands personnages. Plein de confiance, comme je l’étais, dans la puissance de la Prusse et dans son expérience de la guerre, je trouvais étranges les avertissements qui çà et là sonnaient à mes oreilles, qu’il fallait cacher les effets les plus précieux, les papiers les plus importants. Alors, dispensé de toute espérance, je dis, un jour qu’on nous servait les premières alouettes : « Eh bien, si le ciel tombe, il y en aura beaucoup de prises. »

Le 6, je trouvai tout Wermar dans le trouble et la consternation. Les grands caractères étaient calmes et décidés. On continuait à délibérer, à résoudre. Qui devait rester ? qui devait s’éloigner ? C’était la question.

1807.

Dès la tin de l’année précédente, le théâtre avait été rouvert ; le balcon et les loges, le parterre et la galerie, se repeuplèrent bientôt : signe et emblème du retour de toutes choses à l’ancienne marche dans la ville et dans l’État. A vrai dire, nous dûmes nous féliciter de ce que l’empereur restait fidèle à sa maxime principale, de vivre en paix et’en bonne intelligence