Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/356

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sée se porta-t-elle sur les premières années de ma vie, et je reconnus que j’avais tardé trop longtemps. J’aurais dû entreprendre ce travail du vivant de ma mère. J’aurais été moi-même plus près de ces scènes d’enfance, et l’excellente mémoire de ma mère m’aurait transporté complétement dans cette époque de ma vie. Maintenant il me fallait évoquer en moi ces fantômes évanouis. J’avais à présenter le développement d’un enfant devenu un personnage, comme il’s’était produit dans des circonstances données, mais, en général, d’une manière conforme aux vues d’un homme d’expérience. Dans ce sens, j’intitulai assez modestement cet ouvrage, traité avec un soin fidèle : Poésie et vérité1, intimement persuadé que l’homme modèle sur son individualité le monde extérieur même dans le présent, et bien plus encore dans le souvenir.

Ce travail, auquel je devais consacrer beaucoup de temps pour les études historiques, et pour me rendre présents les lieux et les personnes, m’occupait partout où j’allais, où j’étais arrêté, dans la maison, hors de la maison, si bien que mon état réel en prenait le caractère d’une chose accessoire ; et pourtant, en quelque lieu que je fusse appelé par les devoirs de la vie, je me retrouvais soudain avec toute ma force et toute ma présence d’esprit.

Le théâtre de Weimar continuait à donner de beaux résultats. La nouvelle salle de spectacle construite à Halle réunissait tous les avantages de celles de Lauchstaedt. L’installation donna lieu à un prologue, qui fut accueilli avec faveur.

La musique me donna moins de satisfaction. Ce que j’osais appeler, l’année précédente, ma chapelle particulière, fut menacé dans son existence. Il s’était formé certaines affinités électives qui me parurent d’abord dangereuses. L’approche de mon voyage d’été ayant amené une pause vers la fin d’avril, je pris dès lors la résolution de laisser tomber la.chose. J’y perdais beaucoup et je dus chercher des dédommagements.

Meyer travaillait sans relâche à l’histoire de l’art, et ses recherches étaient le sujet de conversations intéressantes. Nous


1. Voyez notre tome VIII. L’ouvrage même est intitulé dans le texte allemand (vol. 16 et 17 des Œuvres de Goethe) Vérité et poésie. Nous croyons les deux mots mieux placés dans cet ordre.