Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/415

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ment qu’il faut aimer ses ennemis, le mot aimer est employé dans un sens abusif ou du moins très-impropre, tandis que je répète volontiers, avec une grande conviction, cette sage maxime, qu’on reconnaît principalement un bon ménager à ce qu’il sait se servir avantageusement même des contrariétés.

Avec son talent distingué, Kotzeboue avait dans sa nature une certaine nullité, sur laquelle on n’a point de prise, qui le tourmentait et le forçait de rabaisser l’excellent, afin de paraître excellent lui-même. Par là, il était toujours révolutionnaire et esclave, excitant la multitude, la dominant, la servant ; et il ne pensait pas que la plate multitude peut se relever, se former, et même s’élever haut, pour distinguer le mérite, le demi-mérite et l’absence de mérite.

SUR MOI-MÊME (FRAGMENTS).

JEUNESSE.

Il n’y a guère d’enfant, dejeune homme, ayant un peu d’esprit, qui ne se demande de temps en temps l’origine, le comment et le pourquoi des choses qu’on voit paraître. Pour moi, j’avais le besoin décidé et constant de rechercher les maximes desquelles il fallait déduire une œuvre de l’art ou de la nature, une action ou un événement. Ce besoin, je ne le sentais pas sans doute aussi clairement que je l’exprime aujourd’hui ; mais plus je suivais cette direction d’une manière inconsciente, plus mes efforts étaient sérieux, passionnés, inquiets, assidus ; et parce que je ne trouvais nulle part une direction qui me rendît le progrès facile, au degré de développement où j’étais parvenu, je faisais cent fois le chemin en avant et en arrière, comme cela peut nous arriver dans un labyrinthe artificiel ou dans un lieu sauvage.

Ce que j’appelle maximes, on l’appelait règles, et je croyais bien qu’on pouvait les donner, tandis qu’il aurait fallu les chercher.