Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/434

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on les rouvrira. Tel qu’il est, Je dirais que c’est un éclair fixé, un flot pétrifié au moment où il se brise contre le rivage. Le même effet se produit, quand on voit le groupe de nuit aux flambeaux.

La pose des trois figures est graduée avec la plus grande sagesse. L’aîné des fils n’est pris que par les extrémités ; le plus jeune est entouré plusieurs fois, et sa poitrine surtout est serrée ; par le mouvement du bras droit il cherche à se dégager ; de sa main gauche il repousse doucement la tête du serpent, pour l’écarter et empêcher qu’il ne forme un cercle de plus autour de sa poitrine ; le serpent est sur le point de glisser sous la main, mais il ne la mord point. En revanche, le père veut se délivrer par la force, lui et ses fils, de ces enlacements ; il serre l’autre serpent, et celui-là, irrité, le mord dans le flanc.

Pour expliquer la pose du père, soit dans l’ensemble soit dans toutes les parties du corps, il me semble que le mieux est de présenter la douleur instantanée de la blessure comme la cause principale de tout le mouvement. Le serpent n’a pas mordu, il mord, et dans une partie délicate au-dessus et un peu en arrière de la hanche. La position de la tête restaur’ée du serpent n’a jamais bien exprimé la véritable morsure. Heureusement les restes des deux mâchoires se sont conservés dans la partie postérieure de la statue. Pourvu que ces vestiges si importants n’aient pas péri dans le triste changement actuel ! L.e serpent fait à l’infortuné une blessure dans la partie du corps où l’homme est très-sensible à la moindre atteinte, où même un chatouillement léger provoque le mouvement que nous voyons produit ici par la blessure. Le corps fuit de l’autre côté, le ventre se contracte, l’épaule s’abaisse, la poitrine ressort, la tête se penche du côté blessé, et, comme le reste de la situation ou de l’action précédente se montre encore dans les pieds, qui sont enchaînés, et dans les bras, qui combattent, il en résulte une combinaison de lutle et de fuite, d’action et de souffrance, d’effort et de relâchement, qui ne pouvait guère se rencontrer dans d’autres conditions. On est confondu de la sagesse des artistes, si l’on essaye d’appliquer la morsure’à une autre partie du corps. Toute l’attitude serait changée et l’on ne peut d’aucune façon l’imaginer plus convenable. Ceci est donc fondamental : l’artiste