demi-figures, dont le giron et les genoux sont couverts par la table et la nappe, et dont les pieds devaient être à peine aperçus dans une ombre modeste.
Qu’on se transporte par la pensée dans cette salle ; qu’on se figure la tranquillité décente qui règne dans un réfectoire de moines tel que celui-là, et l’on admirera l’artiste, qui a répandu dans son tableau une émotion puissante, un mouvement passionné, et, en approchant le plus possible son œuvre de la-nature, la met en contraste avec la réalité voisine.
Le stimulant que l’artiste emploie pour émouvoir le saint et paisible souper, ce sont les paroles du maître. « Je vous le dis en vérité, l’un de vous me trahira. » Ces paroles sont prononcées, et toute l’assemblée s’agite. Jésus penche la tête, il baisse les yeux ; toute son attitude, le mouvement des bras, des.mains, tout répète, avec une résignation céleste, les funestes paroles ; le silence même fortifie cette déclaration : « Oui, il n’en est pas autrement, l’un de vous me trahira. »
Avant d’aller plus loin, développons un grand moyen par lequel Léonard a surtout animé ce tableau : c’est le mouvement des mains, et ce moyen, un Italien pouvait seul le trouver, (liiez ses compatriotes, tout le corps est intelligent ; tous les membres prennent part à toute expression du sentiment, de la passion, même de la pensée. Certains gestes et certains mouvements des mains diront, par exemple: « Que m’importe ? — Viens çà. —Cet homme est un fripon : défie-toi de lui. — Il n’a pas longtemps à vivre. — C’est là le point capital. — Messieurs, notez bien ceci, etc. etc. » Léonard, qui observait avec la plus grande attention tout ce qui était caractéristique, dut remarquer particulièrement ces habitudes nationales. Sous ce rapport, le tableau de la Cène est unique, et l’on ne peut y donner assez d’attention. Une parfaite harmonie règne entre l’expression du visage et chaque mouvement, et l’on ne peut trop louer la manière, tout aussi claire, dont les membres sont disposés et coordonnés.
A droite et à gauche du Seigneur, les figures peuvent être considérées trois à trois ; c’est ainsi qu’elles ont été groupées, et pourtant mises en rapport avec celles d’alentour. A la droite du Christ et auprès de lui, se trouvent Jean, Judas et Pierre.