Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/468

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le décorateur se donnerait-il la peine de tracer toutes les lignes exactement d’après les lois de la perspective, de peindre tous les objets avec une entente parfaite ? Pourquoi étudierait-on le costume ? Pourquoi se mettrait-on en dépense afin d’y rester lidèle, et de me transporter ainsi dans des temps reculés ? Pourquoi donnerait-on plus d’éloges au comédien qui exprime les sentiments avec le plus de vérité, qui, dans le discours, la tenue et les gestes, s’approche le plus de la vérité, qui me trompe de telle sorte que je crois voir non pas une imitation, mais la chose elle-même ?

L’AVOCAT.

Vous exprimez fort bien vos sensations. Cependant il est plus diflicile que vous ne pensez peut-être de discerner clairement ce qu’on sent. Que direz-vous si je vous objecte que les représentations théâtrales ne vous paraissent jamais vraies, et que vous avez plutôt une simple apparence du vrai ?

LE SPECTATEUR.

Je dirai que vous avancez une subtilité qui pourrait bien n’être qu’un jeu de mots.

L’AVOCAT.

Et je vous répondrai que, quand nous parlons des opérations de notre esprit, il n’y a pas de termes assez délicats et assez subtils, et que les jeux de mots de ce genre annoncent même un besoin de l’esprit, qui, dans l’impuissance où nous sommes d’exprimer tout uniment ce qui se passe en nous, s’efforce d’opérer par des antithèses, de répondre à la question de deux côtés, et, par là, de saisir en quelque sorte la chose dans le milieu.

LE SPECTATEUR.

Fort bien ! mais expliquez-vous plus clairement, et, si j’ose vous le demander, expliquez-vous par des exemples.

L’AVOCAT.

Il me sera facile d’en citer à mon avantage. Par exemple, quand vous êtes à l’Opéra, ne sentez-vous pas un plaisir vif et complet ?

LE SPECTATEUR.

Quand tout s’accorde bien, un de* plus complets que je connaisse.