L’AVOCAT.
Vous n’aimeriez pas à nommer tromperie la sensation que vous éprouvez à l’Opéra ?
LE SPECTATEUR.
Non pas volontiers, et pourtant c’en est une espèce, quelque chose qui y touche de tout près.
L’AVOCAT.
N’est-il pas vrai que vous vous oubliez peu s’en faut vousmême ?
LE SPECTATEUR.
Non pas peu s’en faut, mais complétement, quand l’ouvrage est bon dans son ensemble, ou quand une partie est bonne.
L’AVOCAT.
Vous êtes ravi ?
LE SPECTATEUR.
Cela m’est arrivé plus d’une fois.
L’AVOCAT.
Pourriez-vous dire dans quelles circonstances ?
LE SPECTATEUR.
Les cas ont été si nombreux qu’il me serait difficile de les compter.
L’AVOCAT.
Et pourtant vous l’avez déjà dit : assurément, c’est surtout quand tout s’accordait.
LE SPECTATEUR.
Sans contredit.
L’AVOCAT.
Cette exécution parfaite s’accordait-elle avec elle-même ou avec une autre production naturelle ?
LE SPECTATEUR.
C’était sans aucun doute avec elle-même.
L’AVOCAT.
Et cet accord était sans doute un ouvrage de l’art ?
LE SPECTATEUR.
Sans doute.
L’AVOCAT.
Nous refusions tout à l’heure à l’opéra une sorte de vérité, nous affirmions qu’il ne présente point d’une manière vraisem-