Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/477

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A l’approche de la nuit, quand la lune se lève avec un éclat paisible, et qu’elle nous envoie son image mobile sur la face de l’eau doucement agitée ; quand la nacelle se balance et s’enfuit, que l’aviron murmure en cadence, que chaque mouvement fait jaillir l’étincelle d’un reflet, le rossignol jette au loin, du rivage, ses célestes accents, et appelle tous les cœurs aux tendres pensées, alors l’amour et la passion se montrent dans une heureuse tendresse, depuis les premiers symptômes d’une sympathie préordonnée par l’Être suprême, jusqu’à cette sensualité paisible, gracieuse, timide, qui se développe dans le cercle étroit de la vie bourgeoise, Un sein palpitant, un regard de flamme, un serrement de main, un baiser dérobé, animent la chanson. Mais c’est toujours le fiancé qui s’enhardit, toujours la fiancée qui cède : ainsi toutes les hardiesses se plient ellesmêmes sous la règle ; mais, dans ces limites, le poète se permet quelques libertés. Femmes et filles disputent hardiment et sans honte sur leur situation désormais connue, et une fiancée inquiète est portée au lit au milieu des vives importunités d’hôtes malicieux. Mais bientôt le poète nous ramène sous le vaste ciel dans la verdure, au berceau de feuillage, au buisson, et là il se montre sur son terrain de la manière la plus gaie, la plus affectueuse et la plus tendre.

L’été est revenu, une ardeur salutaire souffle à travers la chanson ; les tonnerres grondent, les nues répandent leur rosée, les arcs-en-ciel paraissent, les éclairs brillent à l’écart, et une fraîche bénédiction se verse à flots sur les campagnes. Tout mûrit, le poète n’oublie aucune moisson ; il les solennise toutes par sa présence.

Et c’est ici le lieu de remarquer quelle influence notre poète pourrait avoir, quelle influence il a peut-être en quelques lieux, sur la culture de la classe inférieure du peuple allemand.

Ses poésies, à l’occasion des incidents de la vie champêtre, expriment plutôt, il est vrai, les réflexions d’un tiers que les sentiments de la population elle-même ; mais, si l’on veut se représenter un joueur de harpe assistant à la récolte du foin, du blé, des pommes de terred ; si on se le figure entouré des


1. La Récotte des pommes de teire pciil sembler un singulier sujet de poésie : mais cela ne tient-il pas à la malheureuse dénomination de l’objet ? Il manque un root à la langue française pour désigner le trésor de l’agriculture moderne. Paris n’a pas voulu adopter quelqu’un des termes que les campagnes emploient, par exemple, le joli mot de truffelle, qui est usité dans quelques provinces. Nous avons confié à l’Académie française le soin d épurer la langue, nous aurions dû lui remettre aussi celui de la compléter.