Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/498

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lorsque, pendant un certain temps, on a beaucoup écrit dans une langue, et que des talents supérieurs l’ont mise en œuvre pour développer le cycle actuel et vivant des destinées et des sentiments humains, le fonds de l’époque est épuisé et la langue également, si bien que tout talent médiocre peut se servir à son aise des expressions toutes faites comme de phrases données.

A travers l’histoire littéraire, comme à travers l’histoire du monde, se glissent souvent de petits travaux qui semblent de peu de valeur, mais qui, parune persévérance soutenue, produisent des effets remarquables. Userait intéressant, par exemple, de nous faire voir dans un court exposé comment, depuis quarante années, des hommes d’esprit, qui avaient l’oreille musicale, ont mis des paroles allemandes à des opéras français et italiens, et ont rendu par ce moyen à la langue et à la musique de grands services inaperçus. Par là notre scène lyrique s’est élevée insensiblement à une hauteur extraordinaire ; nous avons vu sur nos théâtres les principales productions du drame lyrique français, les opéras italiens ne nous sont pas demeurés étrangers ; depuis nombre d’années, des libretti allemands, mis en musique par des maîtres allemands, charment l’esprit, élèvent le cœur ; la masse du public se forme et s’éclaire, et la poésie lyrique y gagne d’année en année l’inestimable avantage de devenir toujours plus chantante sans perdre de sa valeur. Des chants religieux, patriotiques, affectueux, passionnés, retentissent de toutes parts, et notre musique, grave, caractéristique, a trouvé l’emploi multiplié de ses inépuisables moyens. Et qui dira pourtant que ce fut Marchand1, ce directeur de théâtre entièrement oublié, qui donna la première impulsion, en nous amenant de France la malicieuse lanière avec les niais Chasseurs, puis la Belle avec la bonne et douce Bêle, en animant le théâtre avec la touchante musique de Grétry : car, depuis ce temps-là, on peut suivre sans interruption l’histoire de l’opéra allemand. Peut-être un collaborateur de la Gnzcite musicale, qui a gardé


1. Voyez lotne VIII, page 590.