Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/506

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facilité d’expression rhythmique, ils gagnent aussi de plus en plus pour le fonds.

Mais le fonds poétique, c’est le fonds de notre propre vie, et personne ne peut nous le donner ; on peut l’assombrir peut-être, mais non le gâter. Tout ce qui est vanité, c’est-à-dire amour-propre sans fondement, sera plus maltraité que jamais.

Se déclarer libre est une grande prétention, car on déclare en même temps qu’on veut se dominer soi-même. Et qui en est capable ? À mes amis, les jeunes poëtes, voici là-dessus ce que je dirai : Vous n’avez proprement aujourd’hui aucune règle, et vous devez vous en tracer une à vous-mêmes. Demandez-vous, au sujet de chaque poésie, si elle renferme une chose que vous ayez éprouvée et si cette épreuve vous a avancés. Vous n’êtes pas avancés, si vous pleurez sans cesse une amante, que vous avez perdue par l’absence, l’infidélité ou la mort. Cela n’est d’aucune valeur, quelque habileté, quelque talent qu’on y sacrifie.

Qu’on s’en tienne au courant de la vie, et qu’on s’éprouve dans l’occasion ; car c’est ainsi qu’il se vérifie, dans l’instant même, si nous sommes vivants, et, dans la méditation postérieure, si nous étions vivants.



FIN.