Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/52

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bourgeois nous apparut assez clairement. Des royalistes, et par conséquent nos amis, qui avaient amené la prompte reddition de Longwy, s’affligèrent que le hasard nous eût conduits dans ce magasin, et que nous eussions fait gagner tant de bel argent au plus mauvais de tous les jacobins, qui ne valait rien, non plus que toute sa famille. On nous détourna de même d’entrer dans une auberge splendide, et l’on nous fit même entendre qu’il fallait se défier des aliments. On nous indiqua en même temps une auberge plus modeste, mais sûre, où nous trouvâmes en effet un gracieux accueil et un dîner passable.

Nous étions donc réunis joyeusement et familièrement autour de la même table, tous anciens camarades de guerre et de garnison: c’étaient les officiers du régiment réunis avec les hommes attachés à la cour, à la maison et à la chancellerie du prince. On s’entretint des derniers événements : combien le commencement de mai avait été marquant et animé à Aschersleben, quand les régiments avaient reçu l’ordre de se tenir prêts à marcher ; que le duc de Brunswick, et plusieurs autres grands personnages y avaient paru ; on ne manqua pas de citer le marquis de Bouillé comme un étranger considérable, qui prenait aux opérations une part essentielle. Aussitôt que ce nom vint aux oreilles de l’hôte, fort attentif à notre conversation, il nous demanda avec empressement si nous connaissions ce seigneur : la plupart purent lui répondre affirmativement, sur quoi il nous témoigna beaucoup de respect, et fonda de grandes espérances sur la coopération de cet homme actif et distingué. Il semblait même que depuis ce moment nous fussions mieux servis.

Comme nous étions là tous gens dévoués de corps et d’ûme à un prince qui avait déployé de grandes qualités, depuis nombre d’années qu’il régnait, et qui allait faire maintenant ses preuves dans la guerre, à laquelle il s’était voué dès sa jeunesse, selon la bonne coutume allemande, nous choquâmes les verres et nous bûmes à sa santé et à celle de sa famille, particulièrement à celle du prince Bernard, chez qui, peu de temps avant qu’on se mît en marche, le colonel de Weyrach avait rempli l’office de parrain comme délégué du régiment.

Chacun avait à conter mille choses sur la marche même, comme quoi, laissant le llarz à gauche, et passant près de Gos-