Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/94

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dat de faire une ample provision de cette substance nécessaire, qu’il trouvait là sans frais. Cet ordre donna lieu à quelques railleries : plongé dans une boue effroyable, on devait se charger de moyens de toilette et de propreté ; on soupirait après le pain, et il fallait se contenter de poussière. Les officiers, de leur côté, trouvaient assez étrange de se voir mal reçus au quartier général, parce qu’ils ne se présentaient pas en tenue aussi propre, aussi soignée, que les jours de parade à Berlin ou à Potsdam. Les chefs n’y pouvant rien, on trouvait qu’ils ne devaient pas non plus gronder.

27 septembre 1192.

Une mesure de précaution un peu singulière, pour combattre la famine, fut aussi mise à l’ordre : on devait battre aussi bien que possible les gerbes d’orge qu’on trouverait, faire bouillir le grain dans l’eau jusqu’à ce qu’il crevât, puis essayer d’apaiser sa faim avec cette nourriture.

ll vint à la troupe dont je faisais partie un meilleur secours. On voyait dans le lointain deux chariots embourbés, et, comme ils étaient chargés de provisions et d’autres choses nécessaires, on s’empressa d’aller à leur secours. L’écuyer de Séebach envoya tout de suite des chevaux ; on délivra les voitures, mais on les amena sur-le-champ au régiment de Weimar ; les charretiers protestèrent ; les vivres étaient destinés à l’armée autrichienne, et leurs passe-ports l’aftestaient. Mais on les avait secourus ; pour les protéger contre la presse et en même temps pour les retenir, 011 leur donna des gardes, et, comme nous leur payâmes ce qu’ils demandaient, ils durent trouver aussi chez nous leur véritable destination.

Le maître d’hôtel, les cuisiniers et leurs aides accoururent les premiers et prirent possession du beurre en tonneaux, des jambons et d’autres bonnes choses. Le concours augmentait ; le plus grand nombre demandait à grands cris du tabac, qui se vendait fort cher. Mais les chariots étaient enveloppés, en sorte qu’à la fin personne n’en pouvait plus approcher. Nos gens et nos cavaliers m’appelèrent à leur aide, me priant avec instance de leur procurer cet objet, de tous le plus nécessaire. Les sol-