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BOTANIQUE.

J’avais compris jusqu’à un certain point pourquoi ces Grecs, si heureusement doués, avaient poussé l’art jusqu’à ses dernières limites ; je pouvais espérer arriver peu à peu à une intuition de l’ensemble, afin de me préparer des jouissances artistiques pures et dégagées de préjugés. En outre, je croyais avoir deviné que la nature procède suivant certaines lois pour produire des formes vivantes, modèles des créations de l’art. Les mœurs des peuples m’intéressaient vivement, je cherchais à comprendre comment la combinaison de l’arbitraire et de la nécessité, de l’instinct et du vouloir, du mouvement et de la résistance engendre un troisième élément qui n’est ni l’art, ni la nature ; mais tous les deux à la fois, produit du hasard et de la fatalité, aveugle et intelligent, je veux dire la société.

Tout en me mouvant dans ce cercle d’idées, désireux que j’étais de perfectionner mon intelligence, je voulus fixer sur le papier tout ce qui se présentait clairement à mon esprit ; de cette manière, je régularisais mes efforts, je coordonnais mes observations, et je saisissais l’occasion par les cheveux. J’écrivis presqu’à la même époque un morceau sur l’art, la manière et le style, un autre sur la métamorphose des plantes, et le carnaval romain ; tous les trois peuvent donner une idée de ce qui se passait alors en moi, et de la position que j’occupais vis-à-vis de ces trois points cardinaux. L’essai sur la métamorphose des plantes, destiné à ramener à un principe unique tous ces phénomènes si variés de l’admirable jardin de l’univers, fut terminé le premier.

C’est une vieille vérité littéraire que celle-ci : Ce que nous écrivons nous plaît, car sans cela nous ne l’eussions pas écrit. Content de mon opuscule, je me flattais de commencer une carrière nouvelle dans les champs de la science ; mais je devais éprouver ce qui m’était déjà arrivé avec mes premières poésies : dès le