Page:Goethe - Hermann et Dorothée, 1886, trad. Boré.djvu/32

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et reste pensif. L’hôte lui adresse alors, en ces termes, un défi amical :

« Allons, monsieur le voisin, buvons résolument, car, la grâce de Dieu qui nous a préservés du malheur jusqu’à ce jour, nous en préservera encore à l’avenir. Comment, en effet, ne pas reconnaître que, depuis le terrible incendie par lequel il nous infligea un si rude chatiment, sa main nous a toujours favorisés, toujours protégés, comme l’homme garde la précieuse prunelle de l’œil, qui, de tous ses organes, lui est le plus cher ? Nous refuserait-il, désormais, secours et protection ? C’est seulement au milieu du péril que l’on voit toute l’étendue de sa puissance. Cette florissante cité qu’il a relevée, d’un monceau de cendres et de débris, par les laborieuses mains de ses habitants, la livrerait-il de nouveau à la ruine, et anéantirait-il tout le fruit de nos efforts ? »

Le digne pasteur reprit avec une douce sérénité :

« Tenez ferme à cette foi, tenez ferme à ces sentiments qui rendent sage dans la prospérité, donnent les meilleures consolations dans l’infortune, et nourrissent les plus magnifiques espérances. »

L’hôtelier continua par cette judicieuse et virile exclamation :

« Combien de fois j’ai salué, avec saisissement, les flots du Rhin, lorsque, voyageant pour mes affaires, je me rapprochais de ses bords ! Il m’ap-