aime parfois à discuter avec un ami ; car alors, seulement, on sent distinctement qu’on est à deux, et qu’il serait impossible de se séparer.
« Combien de fois l’ami présent n’est-il pour nous autre chose qu’un portrait ! Il ne nous parle pas, il ne s’occupe pas de nous, mais nous nous occupons de lui en nous abandonnant au plaisir de le regarder ; nous sentons ce qu’il est pour nous, et souvent notre affection augmente sans qu’il ait contribué à ce résultat plus que n’aurait pu le faire son portrait.
« On n’est jamais content du portrait d’une personne qu’on aime, voilà ce qui me fait plaindre sincèrement les peintres de portraits. On leur demande l’impossible ; on veut qu’ils représentent la personne non telle qu’ils la voient, ou qu’elle est en effet, mais telle que l’exige la nature de ses rapports avec les individus qui regardent cette représentation, et qui y cherchent, non la vérité, mais la justification de leur affection ou de leur haine. Il est donc bien naturel que les peintres de portraits finissent par devenir indifférents, capricieux, opiniâtres, et que, par conséquent, un bon portrait de l’être qui nous est le plus cher au monde, est presque une impossibilité.
« La collection d’armes et d’autres objets trouvés dans les tombes antiques que fermaient d’immenses blocs de rochers, et que l’Architecte nous a montrés n’est à mes yeux qu’une preuve de la futilité des efforts humains pour la conservation de notre individualité après la mort. Quelle n’est pas la force de l’esprit de contradiction, et qui de nous peut se flatter d’en être exempt, puisque ce sage Architecte, après avoir fouillé lui-même plusieurs de ces tombes, où il n’a pu trouver que des insignes indépendants de la