Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/214

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d’imaginer de plus fatigant, de plus bizarre et de plus anti-civilisé, remplissait ses jours et une partie de ses nuits. Ne pas assister à ses folles parties, c’était lui déplaire ; et qui aurait osé braver un pareil anathème ?

Ce fut ainsi qu’elle s’avança de château en château, chassant, chantant, dansant, courant en traîneau, à pied et à cheval. Toujours entourée de cris de joie et d’admiration, elle arriva enfin à la capitale, où les récits des aventures galantes et les plaisirs de la cour et de la ville donnèrent enfin une autre direction à son imagination. Au reste, sa grande-tante, qui avait eu soin de la précéder de plusieurs semaines, s’était empressée de prendre toutes les mesures nécessaires, pour la faire rentrer sous le joug des habitudes du monde élégant.

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EXTRAIT DU JOURNAL D’OTTILIE.

« Le monde prend les hommes pour ce qu’ils veulent être, mais il faut du moins qu’ils aient l’intention d’être quelque chose. On aime, en général, beaucoup mieux supporter ceux qui nous importunent, que de souffrir ceux qui nous semblent nuls. »

« On peut tout imposer à la société ; elle accepte tout, hors les conséquences de ce qu’elle a accepté. »

« On ne connaît jamais que très-superficiellement les personnes qui viennent nous voir : pour juger leur valeur réelle, il faut les observer chez elles. »

« Rien ne me parait plus naturel que de trouver des sujets de blâme et des défauts aux personnes qui nous visitent, et de les juger sévèrement quand ils nous ont quitté ;