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Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/22

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— Examinons notre position de plus près, continua-t-il, et nous reconnaîtrons, bientôt qu’il serait aussi insensé qu’injuste de laisser, sans autre motif que celui de ne pas déranger nos petits calculs personnels, deux êtres qui nous regardent de si près, sous l’empire d’un malheur qu’ils n’ont pas mérité. Oui, ce serait là de l’égoïsme, ou je ne sais plus de quel nom il faudrait qualifier cette conduite. Fais venir ton Ottilie, souffre que mon Capitaine s’installe ici, et remettons-nous à la garde de Dieu pour ce qui pourra en résulter.

— S’il ne s’agissait que de nous, dit Charlotte, j’hésiterais moins ; mais songe que le Capitaine est à peu près de ton âge, c’est-à-dire à cet âge (il faut bien que je te dise cette flatterie en face) où les hommes commencent à devenir réellement dignes d’un amour constant et vrai. Est-il prudent de le mettre en contact avec une jeune fille aussi aimable, aussi intéressante qu’Ottilie ?

— En vérité, répondit le Baron, l’opinion que tu as de ta nièce me paraîtrait inexplicable, si je n’y voyais pas le reflet de ta vive tendresse pour sa mère. Elle est gentille, j’en conviens, je me rappelle même que le Capitaine me la fit remarquer, lorsque je la vis chez ta tante, il y a un an environ. Ses yeux, surtout, sont fort bien, et cependant ils ne m’ont nullement impressionné.

— Cela est très-flatteur pour moi, car j’étais présente. Ton amour pour ta première amie t’avait rendu insensible aux charmes naissants d’une enfant ; je sens le prix de tant de constance, aussi ne voudrais-je jamais vivre que pour toi.

Charlotte était sincère, et cependant elle cachait à son mari qu’alors elle avait eu l’intention de lui faire épouser