Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/341

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e Major et Mittler la secondèrent de tout leur pouvoir. Le désespoir semblait avoir anéanti Édouard, il ne s’arracha à cet état que pour défendre positivement que l’on sortît sa bien-aimée du château ; puis il donna des ordres afin qu’elle fût traitée comme une malade, car il soutenait qu’elle n’était pas morte, qu’elle ne pouvait pas l’être. Craignant de l’irriter par la contradiction, on laissa le corps d’Ottilie au château, et il ne demanda point à le voir.

Un nouvel incident se joignit bientôt à tant de sujets de douleur et d’alarmes, Nanny venait de disparaître. Après de longues recherches on la retrouva enfin, mais dans un état d’égarement qui tenait de la folie. Les reproches du Chirurgien lui avaient fait voir que, sous plus d’un rapport, elle avait contribué à la mort de sa maîtresse. On la ramena chez ses parents ; les consolations et les procédés les plus doux restèrent sans effet, et pour l’empêcher de s’échapper de nouveau on fut obligé de l’enfermer.

On réussit peu à peu à arracher Édouard à la stupeur où il était tombé d’abord, et par là on augmenta son malheur ; car il ne pouvait plus se dissimuler que tout espoir était à jamais perdu pour lui. Le voyant plus tranquille en apparence, on chercha à lui faire comprendre qu’il était indispensable de déposer dans la chapelle les restes d’Ottilie, en ajoutant, toutefois, que dans cette silencieuse et riante demeure qu’elle-même avait aidé à décorer, elle ne cesserait pas de compter parmi les vivants. Il y consentit, mais à la condition expresse qu’elle serait déposée dans un cercueil ouvert qui ne pourrait jamais être fermé que par un couvercle de verre, et qu’une lampe, toujours allumée, serait suspendue au plafond de la chapelle.