— Rien n’est plus vrai, dit Charlotte, les gouttes de pluie se réunissent et forment des rivières. Je me souviens même que, dans mou enfance, j’ai souvent cherché à séparer une petite masse de vif-argent, mais les globules se rapprochaient toujours malgré moi.
— Permettez-moi, continua le Capitaine, de mentionner un point important dont vous venez de constater la vérité. C’est que le rapport pur, devenu possible par la fluidité, se manifeste toujours sous la forme de globules. La goutte d’eau et celle du vif-argent sont rondes ; le plomb fondu même s’arrondit, s’il tombe d’assez haut pour se refroidir avant de toucher un autre corps.
— Je vais vous prouver, dit Charlotte, que je vous ai deviné. Vous vouliez me dire que, puisque chaque corps a des rapports avec les parties dont il se compose, il doit en avoir aussi avec les autres corps…
— Et ces rapports, reprit vivement le Baron, ne sont pas les mêmes pour tous les corps. Les uns se rencontrent comme de bons amis, d’anciennes connaissances qui se confondent sans se réduire mutuellement à changer de nature, tels que l’eau et le vin. Les autres restent étrangers, ennemis même, en dépit du mélange, du frottement ou de tout autre procédé mécanique par lesquels on voudrait les unir, telles que l’eau et l’huile ; en les secouant ensemble on les confond un instant, mais elles se séparent aussitôt.
— Cette petite leçon de chimie, dit Charlotte, est presque l’image de la société dans laquelle nous vivons. J’y reconnais toutes les classes dont elle se compose ; la noblesse et le tiers-état, le clergé et les paysans, les soldats et les bourgeois.
— Sans doute, reprit Édouard, et, s’il y a dans ce