Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


21 juin.

Je coule des jours aussi heureux que ceux que Dieu réserve à ses élus ; quelque chose qui m’arrive désormais, je ne pourrai pas dire que je n’ai pas connu le bonheur, le bonheur le plus pur de la vie. Tu connais mon Wahlheim, j’y suis entièrement établi ; de là je n’ai qu’une demi-lieue jusqu’à Charlotte ; là je me sens moi-même, je jouis de toute la félicité qui a été donnée à l’homme.

L’aurais-je pensé, quand je prenais ce Wahlheim pour but de mes promenades, qu’il était si près du ciel ? Combien de fois, dans mes longues courses, tantôt du haut de la montagne, tantôt de la plaine au delà de la rivière, ai-je aperçu ce pavillon qui renferme aujourd’hui tous mes vœux !

Cher Wahlheim, j’ai réfléchi sur ce désir de l’homme de s’étendre, de faire de nouvelles découvertes, d’errer çà et là ; et aussi sur ce penchant intérieur à se restreindre volontairement, à se borner, à suivre l’ornière de l’habitude, sans plus s’inquiéter de ce qui est à droite et à gauche.

C’est singulier ! lorsque je vins ici, et que de la colline je contemplai cette belle vallée, comme je me sentis attiré de toutes parts ! Ici le petit bois… ah ! si tu pouvais t’enfoncer sous son ombrage !… Là une cime de montagne… ah ! si de là tu pouvais embrasser la vaste étendue !…