Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/21

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incident puéril, il déclare qu’il abandonne toute carrière et qu’il va retrouver Charlotte, le lecteur n’est pas surpris un instant. Il s’écrie avec naïveté : « Je le savais bien, moi, qu’il l’aimait davantage depuis qu’il n’en parlait plus ! » L’intérêt ne naît donc pas de la surprise, et ce qui est profondément clair et vrai s’explique de soi-même ! Inclinons-nous donc devant les maîtres, quel que soit le goût de nos contemporains, quelque peu de succès qu’obtiendrait peut-être un chef-d’œuvre comme Werther, s’il venait à nous pour la première fois, sans l’appui du nom de Gœthe.

La traduction de M. Pierre Leroux n’est pas seulement admirable de style, elle est d’une exactitude parfaite, d’un mot à mot scrupuleux. On ne conçoit pas qu’en traduisant un style admirable on ait pu jusqu’ici en faire un style monstrueux. C’est pourtant ce qui était arrivé, et il est assez prouvé, d’ailleurs, que pour ne pas gâter le beau en y touchant, il faut la main d’un homme supérieur.


George SAND.