Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/255

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« Les guerriers s’affligèrent : mais Armin surtout poussa de douloureux soupirs. Ce chant lui rappelait aussi, à lui, la mort d’un fils, et le ramenait aux jours de sa jeunesse. Carmor était près du héros, Carmor, le prince de Galmal. « Pourquoi ces sanglots? dit-il ; est-ce ici qu’il faut pleurer ? la musique et les chants ne sont-ils pas pour fondre l’âme et la ranimer ? Le léger nuage de brouillard qui s’élève du lac tombe sur la vallée et humecte les fleurs ; et à l’instant le soleil revient dans sa force, dissipe le brouillard, et les fleurs reverdissent. Pourquoi es-tu si triste, ô Armin ! toi qui règnes sur Gorma, qu’environnent les flots ? »

ARMIN.

« Oui, je suis triste, et j’ai bien des raisons de l’être. Carmor, tu n’as point perdu de fils ! tu n’as point perdu de fille éclatante de beauté ! Le brave Colgar vit, et Amira aussi, la plus belle des femmes. Les branches de ta race fleurissent, ô Carmor ; mais Armin est le dernier de sa souche ! Ton lit est noir, ô Daura ! sombre est ton sommeil dans le tombeau ! Quand te réveilleras-tu, avec tes chants, avec ta voix mélodieuse ? Levez-vous, vents de l’automne ! soufflez, soufflez sur l’obscure bruyère ! écumez, torrents de la forêt ! hurlez, ouragans, à la cime des chênes! voyage à travers des nuages déchirés, ô lune ! montre et cache alternativement ton pâle visage ! rappelle-