LE RÉVIZOR IO9
des sentiments délicats, fins : des comtes, le grand monde, quoi !... J'ai bien peur pour toi : tu es capable, à un moment donné, de lâcher un de ces mots qu'on n'emploie certainement pas dans le monde.
Le préfet. — Oh ! un mot ne peut faire de mal...
Anna Andreevna. — Oui... quand on est préfet... mais la vie sera tout autre.
Le préfet. — Ah ! ah ! il paraît qu'on y mange des poissons... on en bave de plaisir...
Anna Andreevna. — Il ne pense qu'aux pois- sons, lui. Je veux que notre maison soit la première à Petrograd et que tout soit si beau qu'on ne puisse entrer chez nous sans cligner les yeux. (Elle clignote et renifle.) Ah ! comme ça sent bon !
��SCÈNE II
Les mêmes et LES MARCHANDS
Le préfet. — Ah ! bonjour, mes petits agneaux.
Les marchands (ils saluent). — Bonne santé, batiouchka.
Le préfet. — Eh bien, amis, ça va? Et le com- merce? Hein, marchands de samovars, empileurs d'ar- chines, vous vous plaignez ! Coquins, animaux, men- teurs de mer, vous aimez vous plaindre ! Hein, vous avez gagné beaucoup? Et vous avez pu croire qu'on m'enfermerait !... Attendez un peu que je vous rince la caboche !...
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