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Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/124

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plomb de chasse et des roues de charrettes. Le premier jour il fut bourré de pâtés, de hachis, de volailles ; en un mot, il est impossible d’énumérer tout ce qu’il avait sur la table qu’on lui avait dressée dans une maisonnette fort propre, au milieu d’un jardin de cerisiers. Le même soir, on pouvait voir le philosophe établi au cabaret. Il était couché sur un banc, fumant selon son habitude, et il jeta devant tout le monde une pièce d’or au juif cabaretier. Un grand pot d’étain se dressait en face de lui ; il regardait les passants d’un air calme, insouciant, et ne pensait plus du tout à son aventure.

À cette époque, le bruit courut partout que la fille d’un des plus riches centeniers[1], dont la terre se trouvait à cinquante verstes de Kiew, était revenue un jour d’une promenade toute battue, rouée de coups, et n’ayant plus la force de marcher. On ajouta qu’elle était à l’agonie, et qu’avant de mourir, elle avait témoigné l’envie que les prières des agonisants, qui se disent d’ordinaire pendant trois jours après la mort, fussent récitées par l’un des étudiants du séminaire de Kiew, nommé Thomas Brutus. Le philosophe apprit cela du recteur lui-même, qui le fit venir dans sa chambre et lui déclara qu’il eût à partir sans retard, attendu qu’un

  1. Membre de la noblesse militaire.