Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/156

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J’ai bu un peu plus qu’il ne fallait, c’est pour cela que je sens quelque épouvante. Voyons, prenons un peu de tabac. Ah ! quel bon tabac, quel excellent tabac ! —

Néanmoins, tout en feuilletant son livre, il regardait de côté le cercueil, et une voix intérieure semblait lui chuchoter :

— La voilà ! la voilà qui se lève ; la voilà qui relève la tête, qui regarde.... —

Mais le silence était toujours profond, le cercueil ne remuait pas, et les cierges versaient des flots de lumière. Cette église illuminée, avec ce cadavre au milieu, était vraiment horrible à voir. Thomas se mit à chanter, en élevant la voix et sur tous les tons, pour étouffer la peur qui renaissait sans cesse en lui. Mais à chaque instant, il tournait les yeux vers le cercueil, en se posant involontairement cette invariable question :

— Si elle se levait, si elle se levait ! —

Le cercueil était immobile. Pas le moindre son nulle part ; pas le moindre bruit d’un être vivant, même d’un grillon. On n’entendait que le léger pétillement d’un cierge éloigné, ou bien le bruit faible et mat d’une goutte de cire qui tombait sur le pavé.

— Si elle se levait !… —

Elle souleva la tête.

Il regarda tout effaré, et se frotta les yeux.