Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/19

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c’est toute autre chose. Là vous voyez, par exemple, quelqu’un qui se serre humblement dans un coin ; il griffonne sous son nez ; il porte un petit frac étriqué ; il a un visage à cracher contre ; et regardez pourtant de quelle maison de campagne il est locataire. Ne vous avisez pas de lui porter une tasse en porcelaine dorée, il vous dirait que c’est un cadeau bon pour un docteur. Mais donnez-lui une paire de chevaux alezans, ou un droschki, ou un collet en castor de trois cents roubles. Il a une apparence si modeste ! il vous dit si délicatement : — Auriez-vous la complaisance de me donner un petit canif pour me tailler une petite plume ? — Et en même temps il vous taillera de façon à ne vous laisser qu’une chemise sur le corps. À la vérité, notre service est très-noble. Tout est propre chez nous, plus que dans aucune direction du gouvernement. Nos tables sont de bois d’acajou, et tous nos chefs disent — Vous — à leurs employés. Oui, cela est vrai, et n’était la noblesse du service, il y a longtemps déjà que j’aurais quitté mon département.

Je mis un vieux manteau, et pris mon parapluie, car il tombait une pluie battante. Il n’y avait personne dans la rue. Cependant je rencontrai beaucoup de femmes qui se couvraient la tête avec le pan de leurs jupes, quelques marchands russes, sous des parapluies, et des cochers de