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temps, je me suis tenu couché sur mon lit, et j’ai réfléchi aux affaires d’Espagne.


L’an 2000, le 43 du mois d’avril.

Le jour d’aujourd’hui est le jour du plus grand triomphe. Il y a un roi en Espagne. Il s’est trouvé, ce roi. C’est moi. Aujourd’hui seulement j’en ai acquis la certitude. J’ai été éclairé, je l’avoue, comme par un éclair. Mais en vérité, je ne conçois pas comment j’avais pu m’imaginer que j’étais un conseiller titulaire ; comment une si folle idée avait-elle pu m’entrer dans la tête ? Il est fort heureux que personne ne se soit alors avisé de me mettre dans une maison de fous. Maintenant tout est éclairci ; je vois tout comme sur la paume de la main, tandis qu’auparavant tout me semblait caché dans une espèce de brouillard. Et je crois que tout cela provient de ce que les hommes s’imaginent que la cervelle humaine est logée dans la tête. Pas le moins du monde ; c’est le vent qui la porte du côté de la mer Caspienne. J’ai commencé par déclarer à Mavra qui j’étais. Quand elle a entendu qu’elle se trouvait devant le roi d’Espagne, elle a frappé dans ses mains et a manqué mourir de peur. La sotte qu’elle est, elle n’a jamais vu de roi d’Espagne. Je tâchai cependant de la rassurer en lui disant que je ne lui en vou-