Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/104

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Devant l’un des autels, tout chargé de cierges, se tenait un prêtre à genoux, qui priait à voix basse. À ses côtés étaient agenouillés deux jeunes diacres en chasubles violettes ornées de dentelles blanches, et des encensoirs dans les mains. Ils demandaient un miracle, la délivrance de la ville, l’affermissement des courages ébranlés, le don de la patience, la fuite du tentateur qui les faisait murmurer, qui leur inspirait des idées timides et lâches. Quelques femmes, semblables à des spectres, étaient agenouillées aussi, laissant tomber leurs têtes sur les dossiers des bancs de bois et des prie-Dieu. Quelques hommes restaient appuyés contre les pilastres dans un silence morne et découragé. La longue fenêtre aux vitraux peints qui surmontait l’autel s’éclaira tout à coup des lueurs rosées de l’aube naissante, et des rosaces rouges, bleues, de toutes couleurs, se dessinèrent sur le sombre pavé de l’église. Tout le chœur fut inondé de jour, et la fumée de l’encens, immobile dans l’air, se peignit de toutes les nuances de l’arc-en-ciel. De son coin obscur, Andry contemplait avec admiration le miracle opéré par la lumière. Dans cet instant, le mugissement solennel de l’orgue emplit tout à coup l’église entière[1]. Il enfla de plus en plus les sons, éclata comme le roulement du tonnerre, puis monta sous

  1. Il n’y a point d’orgues dans les églises du rite grec, c’était chose nouvelle pour un Cosaque.