Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/167

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ont passé, il y a une rue ; où ils tournent, un carrefour. On voyait s’éclaircir les rangs ennemis, et les Polonais tomber comme des gerbes. Près des chariots mêmes, se tient Vovtousenko ; devant lui, Tchérévitchenko ; au-delà des chariots, Degtarenko, et, derrière lui, l’ataman du kourèn, Vertikhvist. Déjà Degtarenko a soulevé deux Polonais sur sa lance ; mais il en rencontre un troisième moins facile à vaincre Le Polonais était souple et fort, et magnifiquement équipé ; il avait amené à sa suite plus de cinquante serviteurs. Il fit plier Degtarenko, le jeta par terre, et, levant son sabre sur lui, s’écria :

— Il n’y a pas un seul de vous, chiens de Cosaques, qui osât me résister !

— Si pourtant, il y en a, dit Mosy Chilo ; et il s’avança.

C’était un fort Cosaque, qui avait plus d’une fois commandé sur mer, et passé par bien des épreuves. Les Turcs l’avaient pris avec toute sa troupe à Trébizonde, et les avaient tous emmenés sur leurs galères, les fers aux pieds et aux mains, les privant de riz pendant des semaines entières, et leur faisant boire l’eau salée. Les pauvres gens avaient tout souffert, tout supporté, plutôt que de renier leur religion orthodoxe. Mais l’ataman Mosy Chilo n’eut pas le courage de souffrir ; il foula aux pieds la sainte loi, entoura d’un ruban odieux sa tête pécheresse,