Le juif priait, la tête couverte d’un long voile assez malpropre, et il s’était retourné pour cracher une dernière fois, selon le rite de sa religion, quand tout à coup ses yeux s’arrêtèrent sur Boulba qui se tenait derrière lui. Avant tout brillèrent à ses regards les deux mille ducats offerts pour la tête du Cosaque ; mais il eut honte de sa cupidité, et s’efforça d’étouffer en lui-même l’éternelle pensée de l’or, qui, semblable à un ver, se replie autour de l’âme d’un juif.
— Écoute, Yankel, dit Tarass au juif, qui s’était mis en devoir de le saluer et qui alla prudemment fermer la porte, afin de n’être vu de personne ; je t’ai sauvé la vie : les Cosaques t’auraient déchiré comme un chien. À ton tour maintenant, rends-moi un service.
Le visage du juif se rembrunit légèrement.
— Quel service ? si c’est quelque chose que je puisse faire, pourquoi ne le ferais-je pas ?
— Ne dis rien. Mène-moi à Varsovie.
— À Varsovie ?… Comment ! à Varsovie ? dit Yankel ; et il haussa les sourcils et les épaules d’étonnement.
— Ne réponds rien. Mène-moi à Varsovie. Quoi qu’il en arrive, je veux le voir encore une fois, lui dire ne fût-ce qu’une parole…
— À qui, dire une parole ?
— À lui, à Ostap, à mon fils.